Faut-il vraiment éviter le pamplemousse lorsqu’on prend des médicaments ?

illustration couple de personnage avec des fruits et produits alimentaires géants

Ce pamplemousse… qui n’en est pas vraiment un !

🔎 Le saviez-vous ? Ce que nous appelons « pamplemousse » (rose ou jaune)… n’en est pas un : c’est est en fait un pomelo, c’est-à-dire un hybride de pamplemousse « vrai » et d’orange douce. L’authentique pamplemousse est beaucoup plus gros que le pomelo et toujours jaune. On le trouve parfois dans les supermarchés, emballé dans du plastique ou dans un filet rouge, sous le nom de… « pomelo de Chine » !

Environ 40 % des Français consomment du pamplemousse, dont 30 % chaque semaine et 79 % au moins une fois par mois. La question des interactions entre ce fruit et certains médicaments n’est donc pas anecdotique, d’autant plus que ces interactions concernent des médicaments de plus en plus nombreux.

Derrière le pamplemousse, d’autres agrumes problématiques

Les interactions toxiques entre le pamplemousse et certains médicaments sont dues à des substances, appelées « furanocoumarines », qui se trouvent surtout dans la partie blanche située sous l’écorce.

Le pamplemousse n’est pas le seul agrume à contenir des furanocoumarines sous son écorce. C’est aussi le cas des oranges amères (bigaradier, orange de Séville), des bergamotes, des citrons verts et des tangelos (hybrides entre le pamplemousse et le mandarinier).

Parce que les jus industriels sont obtenus par pression totale du pamplemousse (y compris l’écorce et la partie blanche), ce type de jus est plus riche en furanocoumarines que les jus pressés chez soi à la main.

À savoir également, les furanocoumarines résistent à la cuisson et les marmelades contenant les agrumes cités précédemment en contiennent des quantités importantes. Ainsi, les interactions entre pamplemousse et médicaments sont possibles avec le jus, avec le fruit frais, mais aussi avec des préparations en contenant, comme les confitures ou les écorces confites.

Comment agissent les furanocoumarines ?

Comment les furanocoumarines du pamplemousse augmentent-elles les taux sanguins de certains médicaments, jusqu’au surdosage toxique ? Elles y parviennent en neutralisant  de manière définitive une enzyme, le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), qui joue un rôle essentiel dans la dégradation et l’élimination de certains médicaments par le corps.

CYP3A4 se trouve en grande quantité dans les parois de l’intestin ainsi que dans le foie. Mais la quantité de CYP3A4 présente dans ces organes varie fortement selon les individus : il existe donc une forte variation entre personnes en termes d’interactions entre le pamplemousse et les médicaments.

Plus un médicament est sensible à la dégradation par CYP3A4, moins bon est son passage dans le sang après une prise orale (par la bouche). En effet, une grande partie de ce médicament est dégradée par CYP3A4 lors du passage à travers la paroi de l’intestin puis, via la veine porte, à travers le foie. Il n’en reste donc plus beaucoup pour parvenir dans le sang. Par exemple, pour la félodipine, un médicament contre l’hypertension artérielle très sensible à CYP3A4, seulement 15 % de la dose ingérée est habituellement retrouvée dans la circulation sanguine. La posologie de ce médicament tient compte de ce faible passage dans le sang.

Lorsque du pamplemousse est consommé, le CYP3A4 contenu dans l’intestin et le foie est durablement neutralisé par les furanocoumarines. Dans le cas de la félodipine, son passage dans le sang s’en trouve fortement augmenté : 200 à 250 ml de jus (un grand verre) bus 4 heures avant la prise de félodipine multiplient par 4 ses taux sanguins. Après 3 verres de jus (1 le matin, 1 à midi et 1 le soir), ces taux sont multipliés par 5 !

Quels sont les signes de toxicité observés lors d’interactions avec le pamplemousse ?

L’augmentation des taux sanguins des substances actives concernées, par amélioration de leur passage dans le sang, provoque un surdosage qui se traduit par une augmentation de leurs effets indésirables, voire l’apparition de toxicités parfois graves. Les toxicités observées lors d’interactions avec le jus de pamplemousse varient selon la substance active concernée. Parmi les effets toxiques les plus graves, on peut citer :

  • des troubles du rythme cardiaque ;

  • des troubles musculaires ;

  • une toxicité pour les reins ;

  • une toxicité pour la moelle osseuse ;

  • l’apparition de caillots sanguins dans une veine.

deux verres de jus de pamplemousse sur une table, avec un pamplemousse coupé en deux

À partir de quelle quantité de pamplemousse observe-t-on ces interactions ?

Définir une dose minimale est difficile car l’intensité des interactions entre le pamplemousse et les médicaments dépend de plusieurs facteurs :

  • la concentration en furanocoumarines du fruit ou du jus consommé ;

  • la sensibilité du médicament concerné aux effets de CYP3A4 ;

  • la quantité de CYP3A4 contenue dans l’intestin et le foie du patient (forte variabilité entre les personnes) ;

  • s’il s’agit d’une consommation occasionnelle ou répétée : les cas de toxicité grave concernent essentiellement des patients ayant consommé du pamplemousse de manière quotidienne, pendant plusieurs jours, semaines voire mois avant la prise du médicament concerné (effet cumulatif) ;

  • de la dose toxique du médicament concerné : un médicament déjà difficile à supporter à la dose normale sera rapidement toxique en cas de surdosage.

❗ Attention, les effets du pamplemousse se ressentent même s’il est consommé à distance de la prise du médicament : par exemple, un verre de jus bu le matin peut exercer son effet négatif sur un médicament pris le soir.

Quels sont les médicaments concernés par ces interactions ?

Parmi les médicaments qui peuvent devenir toxiques lors de consommation de pamplemousse, on peut citer :

  • certains médicaments fréquemment prescrits contre l’excès de cholestérol : TAHOR en princeps (supprimé en France) et simvastatine ;

  • les médicaments immunosuppresseurs prescrits après une greffe d’organe : ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, everolimus et temsirolimus ;

  • certains médicaments cardiovasculaires : amiodarone, dronédarone, félodipine, nifédipine, ticagrélor ;

  • un médicament contre le paludisme : halofantrine ;

  • un médicament contre l’infection à VIH/sida : maraviroc ;

  • un anxiolytique : buspirone ;

  • un antipsychotique : quétiapine ;

  • des médicaments anticoagulants : apixaban, clopidogrel ;

  • un médicament contre les nausées et vomissements : dompéridone ;

  • un anti-inflammatoire : budésonide.

Par ailleurs, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) signale également :

  • un antidépresseur : sertraline ;

  • certains médicaments anticancéreux : régorafénib et olaparib ;

  • certains médicaments des troubles de l’érection : avanafil et vardénafil ;

  • un anti-épileptique parfois utilisé contre les névralgies faciales ou les troubles bipolaires : carbamazépine ;

  • un médicament de la schizophrénie et autres psychoses : levasidone ;

  • un médicament contre la constipation induite par les antalgiques de la famille des opiacés : naloxegol.

Quels sont les patients le plus à risque de souffrir de ces interactions ?

Il existe une grande variabilité individuelle de la sensibilité aux interactions avec le jus de pamplemousse. Par exemple, dans les études avec la félodipine, le taux d’augmentation du passage dans le sang après avoir bu 250 ml de jus de pamplemousse variait de 0 à 8 fois selon les patients !

Les personnes âgées de 70 ans et plus semblent davantage exposées aux toxicités liées aux interactions avec le pamplemousse. En effet, elles prennent davantage de médicaments potentiellement concernés. De plus, elles disposent de capacités de compensation moins efficaces : par exemple, lors de surdosage en félodipine, elles présentent une accélération du rythme cardiaque qui est rarement observée chez les personnes plus jeunes.

Comment savoir si le pamplemousse est contre-indiqué avec les médicaments que l’on prend ?

Le premier réflexe à avoir est de consulter la notice d’information fournie dans la boîte du médicament. S’il existe un risque d’interaction grave entre les deux, il sera signalé sur ce document. Pour de rares médicaments, si ce risque existe mais qu’il est faible, il se peut que cela ne soit pas indiqué sur la notice. Il est également possible de consulter le dossier complet du médicament (le « Résumé des caractéristiques du produit », RCP) sur la base de données publique des médicaments, où vous pourrez également retrouver la notice si vous l’avez égarée). Dans ce cas, consultez la rubrique « Interactions médicamenteuses ».

👩‍⚕️ En cas de doute, demandez l’avis de votre pharmacien ou de votre médecin traitant.


Article « Faut-il vraiment éviter le pamplemousse lorsqu’on prend des médicaments ? », issu du site Sante.fr (mis à jour le 01/12/2022).